top of page

Promesse tenue, Maman…

En 2006, quelques semaines avant de quitter définitivement sa maison parce qu’elle se gérait de moins en moins facilement, Maman me demanda de lui accorder une faveur : parcourir à nous deux les différents hameaux de Wodecq, notre village natal.

Elle voulait ainsi revoir une dernière fois les endroits qui lui avaient été si familiers et remettre des visages devant quantité de maisons dont seule ou accompagnée autrefois de ses chers parents, elle avait si souvent franchi le seuil.

C’est ainsi qu’au train de sénateurs nous avons sillonné la plupart des hameaux du village. Nous sommes allés du Buis à Scoupignies, du Quesnoit à Haillemont, des Quatre Chemins au Mouflu en passant par le cimetière et le Pensionnat. Nous avons même refait le parcours de la traditionnelle procession du mois de mai et celle du 15 août à la Chapelle des fièvres.

Pourquoi m’avoir choisi ? Peut-être que de ses quatre enfants, j’étais le plus apte à comprendre ce qui avait été sa jeunesse et à partager ce qu’elle ressentait avant un départ qu’elle pressentait définitif.

Prairie en avant.JPG

Quand nous arrivâmes près de la chapelle Vanstaele, à l’endroit où un avion américain était tombé le 14 juin 1944, elle souhaita que nous y fassions une halte.

Devant cette immense prairie qui est restée telle qu’elle était à cette époque, je compris à l’expression de son visage qu’elle se remémorait le moment où elle avait été fleurir la dépouille ensanglantée du pilote, un jeune lieutenant de 24 ans. 

Après un long silence que je n’osais interrompre parce que j’avais été le témoin direct de ce drame elle me dit en me tenant l’avant-bras : « No ptit, si vous en avez l’occasion, promettez-moi de faire quelque chose pour cet homme. »

Je crois avoir répondu à ce souhait. Pourtant les obstacles furent nombreux. Vu le nombre d’années écoulées, les mémoires avaient besoin d’être ravivées… mais plus les difficultés s’accumulaient, plus l’indifférence de certains m’attristait et plus ma volonté de réussir s’affirmait.

La stèle érigée pour commémorer cet événement tragique, c’est un peu la trace qu’auront laissée une branche des familles Leroy et Gorts dans leur terroir natal. 

Une trace indélébile du passage de ces deux familles connues et appréciées, mais dont la plupart des descendants ont maintenant quitté le village. Plus important encore, elle concrétise l’hommage rendu par tout un village à un jeune soldat américain qui n’avait qu’une seule idée : sauver la vie de ces braves gens d’en bas affectés par quatre années d’occupation nazie.

Cette stèle permet ainsi aux enfants de Jules Leroy et d’Irène Gorts de revendiquer - moralement du moins - une légitime appartenance à ce village.

Que ceux qui les suivront prennent le temps de s’arrêter, ne fut-ce qu’un court instant, quand ils passeront par-là; peut-être alors entendront-ils battre le cœur de leurs chers aïeux qui ont connu cette période bien pénible…...

bottom of page