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James McShane ouvre son cœur à l’issue de son voyage

A l’issue de son voyage, Jim a couché sur papier ses impressions sur la cérémonie qui s’était déroulée à Wodecq et dont il avait été le principal acteur. Il s’en est confié à ses nouveaux amis du village. Chargée de la traduction, Yvette Van Quickelberghe s’efforça de sauvegarder le caractère émotionnel de ces réflexions exprimées spontanément, dans un désordre que nous pouvons aisément comprendre. Nous en avons choisi quelques extraits fort touchants.

 

Je m’appelle James Michael McShane et ce qui suit est le bref récit d’une suite incroyable d’événements aussi marquants qu’inattendus. Ce qui s’est passé dans ma vie entre février et septembre 2012 ne peut être que remarquable. Ce qu’a fait mon oncle méritait bien de passer dans l’Histoire; c’est extraordinaire la décision qu’il a prise et la triste conséquence de son geste. 

 

 … Il y a eu beaucoup de monde à l’inauguration de la stèle et à une belle exposition, le fruit d’un travail réalisé par les élèves et les enseignants de l’école communale de Wodecq où la réception avait lieu. Je photographiais de grands panneaux exposés dont certains présentaient des photos du corps mutilé de mon oncle. Etonnamment, je n’étais pas choqué; au contraire, cela me rapprochait encore d’avantage de lui. Sans prononcer le moindre mot, beaucoup de gens sont venus tout simplement vers moi pour m’embrasser ou me serrer la main. Je me sentais un peu gêné : on me traitait comme étant le héros. C’est mon oncle qui méritait cela. 

 

…  J’étais seul depuis un moment à réfléchir à tout ce qui s’était passé durant cette journée quand je sentis la nécessité de me retourner ce qui me permit de croiser le regard de Marcel et d’Anita de l’autre côté de la pièce. Nous nous sommes regardés pendant de longues secondes et nous nous sommes rapprochés. Je les ai embrassés sur les deux joues et leur ai dit merci en français. A leur tour, ils m’ont remercié d’avoir pu être parmi eux. Malgré l’obstacle des langues, je sais que nous comprenions les sentiments des uns et des autres. Le rapport entre nous était particulier et ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu éprouver auparavant. Pour moi, Anita et Marcel constituaient le lien avec le passé de notre famille. 

 

…Le lendemain, c’était dimanche. J’ai loué une voiture et suis allé à Margraten qui se trouve à une heure de Bruxelles et à 10 km de Maastricht. 

Le hasard voulut qu’il s’y tenait une importante réception à laquelle participaient plusieurs centaines de personnes. Un grand orchestre (André Rieu probablement) accompagnait des chanteurs d’opéra. Je m’approchais timidement car mes vêtements n’étaient pas de circonstance : je portais un T-shirt, un short et une casquette de baseball alors que l’assistance était habillée comme si elle se préparait à aller à l’église ou à l’opéra. 

 

Je contournais cette assemblée tout en étudiant la carte que Marcel m’avait donnée. Ne m’y retrouvant pas, je m’énervais et me disais que, si près du but, je risquais de ne jamais retrouver la tombe de mon oncle Floyd. J’étais écrasé par l’émotion et m’apprêtais à partir. Je me suis mis à pleurer, courbé, la tête entre les mains. A nouveau un sentiment de tristesse m’envahissait. Je me retournai vers tout ce spectacle et vis un homme qui se dirigeait vers moi. J’essayai de retrouver une contenance. Il proposa de m’aider. Je dis oui et lui donnai le nom de mon oncle. Immédiatement il me dit : « Suivez-moi ». 

 

Pendant que nous marchions, il me parut étrange que, parmi les 8000 tombes de ce cimetière, cet homme savait exactement où trouver celle du Lt Floyd E. Addy. C’est mon oncle qui nous guide, me suis-je dit.

 

Je pensai alors qu’il était peut-être la personne dont Marcel m’avait parlé. Marcel avait écrit son nom sur la carte et je m’arrêtai pour la lui montrer et demander si c’était lui. C’était bien lui… Encore une coïncidence extraordinaire : dans une assemblée si nombreuse et avec un spectacle en cours, c’était lui qui me trouvait.

 

… Devant la tombe de mon oncle, je repris mes esprits et, sans que je n’aie rien demandé, un officier de la Marine apporta un seau de sable pour raviver la gravure sur la croix pour qu’elle ressorte bien sur la photo que j’allais prendre. Le sable venait des plages du débarquement en Normandie. Je frottai la croix et pris des photos, puis, à son tour, il me photographia à côté de la croix. 

 

… Je suis resté près de la tombe pendant de longues minutes et j’ai eu avec mon oncle

une conversation pleine d’émotion. Je lui ai parlé de la famille, de sa femme et surtout

de sa fille Ann.

 

… Je me suis levé et je suis parti. Je m’étais éloigné de quelques dizaines de mètres

quand « la chose » me reprit. Je ne pensais à rien de particulier et, tout à coup, je dus

m’arrêter et me retourner. Parmi toutes ces croix, j’apercevais celle de mon oncle.

Je revins sur mes pas et m’assis près d’elle. Pendant de longues minutes, j’eus une

« véritable » conversation avec lui. 

J’entends par là que je n’étais plus émotionné ou en pleurs, mais au contraire très calme. Je le remerciais pour ce qu’il avait fait et lui racontais la belle cérémonie qui avait été organisée en son honneur. 

 

… Je suis profondément reconnaissant pour l’hommage rendu le 8 septembre à mon oncle et en plus, je suis heureux d’avoir pu voir et sentir la gentillesse et l’amour de personnes aussi éloignées de nous. Comme je l’ai dit dans mon discours : ceci me fait espérer que nous puissions tous éprouver le même amour les uns pour les autres. Je suis sûr que personne ne sait si mon oncle était protestant ou catholique, juif ou musulman, athée ou croyant. Je suis tout aussi certain que lui ne savait rien des croyances religieuses de ceux que sa manœuvre a sauvés ce jour-là. Tout ce qu’il savait c’est que les gens de Belgique étaient des amis et qu’ils souffraient sous l’occupation allemande. Il ne voulait pas qu’ils souffrent encore plus à cause de son malheur. Quelles qu’aient été ses croyances personnelles, il a pris la décision qui convenait : respectable et logique.

 

 

 

 

 

 

 

 

… Je dis aux habitants de Wodecq présents et passés : vous êtes de bonnes gens. Je sais au fond de mon cœur que le lieutenant Floyd Addy serait content et fier de vous, pas tant pour la cérémonie mais pour la gentillesse et l’amour dont vous avez fait preuve. Vous l’avez honoré en exprimant votre compassion pour son geste héroïque et en me permettant, à moi son neveu, de vous porter à jamais dans mon cœur et dans celui de ma famille. Cette expérience m’a changé dans la mesure où elle a rempli un chapitre qui manquait dans ma vie. Elle a aussi rendu plus fort mon désir sincère de paix et de bonne volonté pour toute l’humanité.

 

Les héros sont ceux qui font les choses qu’il faut quand il le faut et quelles que soient les conséquences (auteur inconnu).

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Margraten Yvette et fille de Jim.jpg
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