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Le dernier vol du One long hop 

Le 14 juin 1944, à 9h 17, un bombardier américain du type Liberator B 24 s’écrasait à Wodecq, au retour d’une mission en France, dans le département de l’Aisne.

 

Parti de l’aérodrome de Debach situé sur la côte orientale de l’Angleterre, l'équipage du One long hop (Le grand saut) était composé de dix membres :

 

 

 

Sa mission était de bombarder la base aérienne de Athies près de Laon afin de soulager les forces alliées constamment harcelées par l’aviation allemande encore présente dans le nord de la France. Si cet objectif ne pouvait être atteint, une cible de remplacement était prévue : la base aérienne de Beauvais, dans le département de l’Oise.

 

 

 

L’équipage fut contraint de monter dans un avion faisant sa dernière mission car destiné à la ferraille dès son retour… Rapiécé, bosselé de partout et muni d’un armement en mauvais état, cet appareil n’avait jamais pu terminer, avec succès, la moindre mission qui lui avait été confiée. Avant de rejoindre l’Angleterre, il aurait servi dans le Pacifique et connu des situations extrêmes. Il en sera de même cette fois encore.

Dans une formation de près de 40 appareils, le One long hop (Le grand saut) gagna le continent par le Hoek van Holland, région littorale où les batteries anti-aériennes allemandes étaient peu nombreuses. De là, il mit le cap sur la Belgique qu’il traversa, du nord au sud, en se dirigeant vers Mons et la frontière française.

 

 

 

 

 

Une fois arrivé sur zone, ses bombes n’auraient pas atteint la cible prévue mais seraient tombées dans un rayon de 5 kilomètres, aux environs du village de Besny-et-Loisy. 

 

Atteint par de nombreux tirs de DCA, le One long hop se traînait en queue de formation. Alors que cette tâche aurait dû être confiée aux avions de reconnaissance, le chef de la formation donna ordre au lieutenant ADDY de repasser à la verticale d’Athies pour constater les dégâts causés par leur bombardement. Cela eut pour effet de retarder davantage l’appareil qui prit, esseulé, le chemin du retour en se dirigeant tant bien que mal vers la Belgique. Le pilote choisit le même itinéraire qu’à l’aller car il estimait qu’il ne pourrait pas atteindre les côtes françaises et franchir leur rideau de canons anti-aériens. A Mons, il essuya de violents tirs de DCA, particulièrement lorsqu’il passa à hauteur de la gare de triage de Saint-Ghislain. Par miracle, il échappa au pire et poursuivit sa route vers le nord-ouest. C’est ainsi qu’il survola le champ d’aviation de Chièvres où de nouveaux tirs lui furent, cette fois, fatals.

 

L’avion mal en point, troué partout, les vitres brisées, c’est le moteur extérieur gauche qui rendit l’âme en premier. Son hélice fut mise en drapeau pour diminuer la résistance à l’air. Ensuite, un réservoir fut percé. Quand le moteur extérieur droit rendit l’âme à son tour faute de carburant, l’équipage estima nécessaire d’alléger l’appareil. On largua dès lors les munitions, les mitrailleuses, les équipements radio et les bouteilles d’oxygène car il devenait difficile de voler avec deux moteurs.

 

Un troisième moteur s’arrêta peu avant le crash. Avec un seul moteur crachotant, le lieutenant ADDY comprit qu’il ne pourrait jamais rejoindre l’Angleterre, aussi proposa-t-il à ses neuf compagnons d’équipage de quitter l’appareil, ce qu’ils firent dans les environs de Lessines. Quant à lui, pensant qu’il trouverait un endroit propice pour un atterrissage hasardeux, il choisit de rester à bord. Un membre de l’équipage, le sergent William CUPP, raconta toute cette aventure dans le livre « De la Picardie aux camps nazis ». Après mille péripéties et des fortunes diverses, les neuf jeunes soldats purent regagner les Etats-Unis sitôt les hostilités finies.

 

Passant au-dessus de la place de Wodecq, le lieutenant ADDY parvint à éviter l’église et les habitations environnantes. Aussitôt après, il vira vers le sud, en direction de La Hamaide, probablement pour tenter de toucher terre dans une vaste zone de prairies et de champs. 

 

 

 

Hélas, son avion étant devenu ingouvernable, il jugea bien vite que cette manœuvre ne pouvait réussir. Aussi se résolut-il à quitter l’appareil, ce qu’il fit au prix de grandes difficultés, car les tirs de DCA successifs avaient fortement endommagé la carlingue et bloqué les issues de sorties.

 

De ce fait, ayant perdu trop d’altitude, son parachute ne put s’ouvrir. Aussi le lieutenant ADDY s’écrasa-t-il au milieu d’une prairie située en bordure de la route. Avant d’atteindre le sol, il fut horriblement mutilé par les fils d’une ligne électrique. L'avion, quant à lui, termina sa course, de l'autre côté du chemin montant vers Ath, l’actuelle rue Georges Muylle.

A la lecture du dernier message adressé à son équipage, on mesure aisément le respect du devoir et l’abnégation de ce jeune américain de 24 ans. 

 

Bonne chance à vous tous ; je reste dans l’avion. Il y a des amis parmi les gens d’en bas et je ne veux pas qu’un de nos avions leur tombe dessus.

 

A vous qui passez par-là, ayez une pensée pour cet homme qui se sacrifia pour nous sauver et pour libérer tout un continent qu’il ne connaissait que de là-haut.

 

Notre liberté retrouvée, c’est un peu à Floyd que nous la devons.

 

Le lieutenant Floyd E. ADDY reçut à titre posthume la Distinguished Cross anglaise et la Purple Heart américaine. Son épouse, Barbara donna naissance à Ann quelques mois après ce drame. Elle n’eut donc pas le bonheur de connaître son papa. Celui-ci est resté en Europe ; son corps repose dans le cimetière américain de Margraten, dans le Limbourg hollandais, non loin de Visé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Merci pour ton courage ami, merci pour ta vaillance, merci d’accepter de mourir pour nous sauver, pour sauver tout un continent que tu ne connaissais que de là-haut, merci pour ta fraternité. Merci d’être de ceux qui nous ont redonné le goût de vivre libres.

Raymond Itterbeek « Ancien » de l’Escaping COMETE.

 

Un B24 de dernière génération avait été promis au lieutenant ADDY. De suite, il avait pensé le baptiser « My Little Sister » (Ma petite sœur) en hommage à sa sœur pour laquelle il éprouvait une grande affection. Cette petite sœur sera plus tard la maman de Jim qui vint à Wodecq le 8 septembre 2012, y revint en 2015 accompagné de sa fille et une fois encore en 2019 pour une visite éclair. 

 

Hélas, cet avion n’était pas prêt pour la mission programmée sur Athies-lez-Laon. Aussi l’équipage dut-il se résoudre à embarquer dans un vieil avion qui avait été baptisé autrefois le « One Long Hop » (Le grand saut). Mais l’écriture était si peu orthodoxe, qu’on crut lire « Won Long Hop ». C’est cette appellation-ci qui fut souvent reprise à tort sur les documents officiels de l’Air Corps (Armée de l’air américaine).

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